« La Laïcité est une organisation de l’Etat, qui vise à construire un monde commun où chacun peut donner un sens à sa vie, et à réaliser les idéaux républicains de Liberté, d’Egalité et de Solidarité, ce qui nécessite, entre autres choses, que les religions ne jouissent d’aucune reconnaissance officielle dans les instances de l’Etat et dans les services publics. » (1)
Elle me va bien cette définition de Bruno Courcelle dans le rapport que j’entretiens avec la laïcité aujourd’hui. Depuis ma formation à l’Ecole Normale, j’ai toujours soutenu que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. (…) ». J’ai aussi compris en terminale, le lien fort de F.Buisson avec le processus de laïcisation de l’école républicaine (2) mais c’est en enseignant que j’ai adhéré à ce principe en essayant de le faire vivre à mes élèves dans le fonctionnement et l’organisation de ma classe.
Et il aura fallu l’affaire du foulard de Creil en octobre 1989, pour que le mot réapparaisse dans mes radars ! Car c’est ainsi que c’est ouvert un débat sur la laïcité qui pour ma génération de soixantenaires était un concept qui semblait établi, irréversible et sur lequel aucune remise en cause n’était envisageable. Et pourtant….
Lorsque, le 27 novembre 1989, un arrêt du Conseil d’état estime que le port du foulard islamique n’est pas incompatible avec le principe de laïcité, j’avoue avoir été perplexe puisqu’ il était entendu que dans nos classes, les croix ou étoiles de David se devaient d’être discrètes. C’est donc naturellement que j’accueillie favorablement en 2004, la loi sur la laïcité interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école.
Depuis, notre principe de laïcité est confronté à la montée de l’islamisme radical et à son cortège d’attentats. Nous en sortons sidérés à chaque fois et nous nous retrouvons aujourd’hui à débattre d’un nouveau projet de loi « confortant les principes républicains ».
Si on ne peut réduire la laïcité à l’exercice de sa religion dans la sphère privée, elle signifie pourtant l’absence de religion officielle. En cela le concordat d’Alsace-Moselle mérite un débat avec ses habitants et un autre avec nos concitoyens qui mettent leur religion au-dessus des lois de la République. Et si la laïcité garantit la liberté de croire ou de ne pas croire, je n’oublie pas comme nous le rappelle Charlie Hebdo, qu’il n’y a pas d’un côté les croyants et de l’autre les non-croyants.(3)
Il va donc falloir argumenter et expliquer pourquoi une religion ne peut en France être civile (n’en déplaise à JJ.Rousseau !), pourquoi la loi et les droits ne peuvent être religieux, pourquoi l’égalité c’est aussi celle entre les femmes et les hommes et pourquoi la science et la croyance sont bien distinctes.
Car c’est par le débat et non par l’imposition que nous pourrons vouloir convaincre mais aussi évoluer dans nos propres convictions. D’ailleurs je vous soumets un texte, découvert récemment publié, le 9 décembre 2005, il y a déjà 15 ans ! La déclaration universelle sur la laïcité au XXIe siècle.(3) Elle a été signée par plus de 200 universitaires de 29 pays et propose une évolution de la laïcité. C’ est aussi un outil pour débattre et mener une réflexion sur la possibilité de décontextualiser la notion de laïcité de l’expérience française.
Le 9 décembre, c’est la date qui en 1905 a établi la séparation des Eglises et de l’Etat ainsi que l’institutionnalisation de la laïcité, remarquablement défendues par A. Briand (5) et qui est devenue journée nationale depuis 2015, triste année. Elle me rappelle que depuis ce jour, la République assure notre liberté de conscience et de fait notre conscience citoyenne. Alors échangeons, critiquons, construisons et sortons d’une pensée qui par moment devient unique par peur de la contradiction !
Dominique Garcia
(1)- Note de l’auteur : La Fraternité, troisième terme de la devise républicaine, est un terme sentimental et militariste (cf. “frères d’armes”); elle ne se décide pas par une loi, alors que la Solidarité s’organise par l’utilisation des contributions des citoyens. Grâce à la Solidarité, la Charité n’a pas de place dans un Etat laïque. Je ne propose pas pour autant de remplacer le terme “Fraternité” de la devise républicaine, car il faut rattacher nos institutions à leur histoire.
(2)- Dans ce processus de laïcisation, la laïcité survient, selon F.Buisson, avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. On ne saurait mieux dire que la laïcité et la démocratie sont liées, qu’une laïcité autoritaire n’est pas une véritable laïcité.
(6)- téléfilm documentaire sur la loi de séparation des Eglises et de l’Etat : https://vimeo.com/66508464