BILAN D'UNE "DELEGATION"

Et vous ?

Représentant le réseau citoyen « Soigne ta Gauche » au Conseil municipal, Eric PEREIRA-SILVA, avait en septembre 2007, avec d’autres, dressé un bilan sans complaisance des engagements précis mis en avant par lui et ses amis en 2001 dans le programme municipal [cf. engagements]. Une appréciation franchement mitigée avec une petite note globale tout juste au-dessus de la moyenne[1].

Ces commentaires sans langue de bois et ces notes avaient fait hurler quelques bénis oui-oui et attiré les sarcasmes des opposants habituels (de gauche et de droite) jugeant les critiques bien trop douces. Les uns et les autres, feignant d’y voir des attaques personnelles, exigeaient alors à cor et à cri que l’intéressé se mette lui-même sur le grill.
« Chaque chose en son temps » répondait-il à un internaute l’interpellant alors sur le blog citoyen « lesaudoniens.com » qui avait accepté de mettre en ligne ces appréciations.

Maire-Adjoint, en charge, depuis 2001, du « Développement économique, du commerce, des marchés et de l’artisanat » Eric Pereira-Silva répond à nos questions.

Le site Soignetagauche : Un mot sur cette importante délégation municipale dont vous êtes chargé ?
Dans une Ville comptant aujourd’hui 32 000 emplois, un puissant tissu d’activités avec des grands groupes et beaucoup de PME ou TPE, une structure commerciale encore solide, des recettes fiscales de taxe professionnelle très importantes, une attractivité nouvelle et un taux de chômage inacceptable de près de 12% ce secteur de la vie locale est passionnant et tout autant stratégique. Il convient toutefois de nuancer le rôle de l’élu (et des élus globalement).

Ainsi première remarque : cette délégation à l’intitulé « long comme le bras » recouvre une réalité un peu plus modeste dans le dispositif communal[2] (petite équipe, petit budget) puisqu’il s’agit avant tout d’analyser les mutations en cours, de travailler avec les acteurs économiques, d’accompagner, d’encourager -parfois résister- avec des actions ciblées dont les effets sont rarement immédiats.
Deuxième remarque ce secteur porte une partie des interventions de la Ville concourant au développement économique, à la préservation du commerce de proximité, au maintien ou à l’arrivée de nouveaux emplois sur la Ville. L’urbanisme, les transports, la voirie, la sécurité et beaucoup d’autres actions de la Ville jouent également un rôle certain.
Enfin dernière remarque, et non des moindre, le développement économique local se situe désormais dans une économie mondialisée qui influe directement et encore plus qu’hier sur l’arrivée ou le départ d’entreprises importantes dans la Ville. Parallèlement le commerce local est indéniablement tributaire du développement inconsidéré des hypermarchés et autres méga pôles commerciaux à nos portes.

Le site STG : d’accord, mais tout ça pour dire qu’on ne peut pas faire grand chose ?
Pas du tout. Simplement en matière d’économie, d’emploi et de commerce, domaines qui ne relèvent pas des prérogatives directes d’une commune, le cadre est particulièrement contraignant et mieux vaut le savoir si on veut agir au niveau communal.
Il faut que la Ville joue sa partition et agisse avec ses moyens en refusant comme une fatalité les seules règles du « marché ». Elle doit s’engager dans des domaines qui ne relèvent pas des « compétences communales » traditionnelles.

Ce n’est pas rien de faciliter l’installation d’un grand groupe international avec plusieurs centaines de salariés, de favoriser l’accueil de stagiaires ou l’embauche d’audoniens dans une entreprise, de régler un problème de stationnement ou de circulation d’une entreprise, de mettre autour d’une table Patronat, syndicats et ville sur l’accueil des nouveaux salariés, de travailler à la requalification des Puces, d’aider concrètement des créateurs d’entreprises, de participer à la programmation ou a la commercialisation de nouveaux commerces et j’en passe.

Bref, si on ne peut pas tout faire à l’échelle communale, il y a quant même un beau champ d’intervention, des résultats possibles et encore beaucoup de grain à moudre.

Le site STG : et vous personnellement M. Pereira-Silva c’est quoi votre bilan dans votre domaine? Vos réussites et vos échecs ?
L’élu oriente, impulse, valide et, au quotidien, c’est l’administration[3] qui met en œuvre dans un contexte local et avec ses acteurs[4]. J’évoquerai, de manière synthétique plusieurs actions précises qui me semblent significatives. Avec les « plus » et les « moins ».

« Développement économique »
Les plus
– Le développement d’un observatoire économique local performant permettant par exemple la diffusion de données économiques locales chaque trimestre ou la publication d’un répertoire de 600 entreprises de la commune (aujourd’hui en ligne et actualisé en permanence sur le site Internet de la Ville).
– Un relationnel développé avec des entreprises locales de toutes tailles (anciennes ou nouvelles) pour mieux répondre notamment aux besoins des salariés (transports, logements, accès aux équipements …),
– L’aide à la création d’entreprises ou aux très petites entreprises (TPE) en collaboration avec des structures intercommunales (MIELet PFIL[5],) avec quelques réussites significatives sur Saint-Ouen.
– La mise en œuvre d’une charte école-entreprises facilitant et structurant l’accueil de stagiaires des collèges et lycées de la ville dans les entreprises locales. Un partenariat actif avec le Comité de Bassin d’Emploi (CBE) et un travail transversal avec le secteur municipal de la jeunesse (SMJ).
Les moins
– La difficulté à (re)construire des relations structurées et permanentes avec les représentants des salariés (syndicats, Comités d’entreprises).
– L’incapacité de faire vivre une Commission économique d’élus pour, sinon procéder à des arbitrages, du moins engager une réflexion collective sur les questions économiques et nos interventions.

« Commerce, marchés, artisanat »
Les plus
– Un soutien à l’association de commerçants existante (ACADA) et à ses initiatives, participation financière et soutien opérationnel au Mondial des Puces organisé par l’ADPPSO.
– L’adoption d’un programme de soutien au commerce local sur plusieurs années (FISAC)[6] avec une intervention financière de la ville significative et une coopération active avec les Chambres de commerce et de métiers.[7]
– La réalisation d’une Charte des enseignes et devantures pour les commerces en collaboration avec le secteur de l’urbanisme.
– l’implantation de divers commerces de proximité de bonne tenue avec l’aide ou l’intervention de la Ville : boutique de mode, fleuriste, boulanger, coiffeur, restaurants…et l’amorce d’un nouveau pôle commercial à Victor Hugo.
– Un début fragile d’organisation et de moralisation du Marché Michelet aux Puces dans un contexte très difficile du fait de certains commerçants.
– Le lancement de la réhabilitation du marché Ottino (montage juridique et financier, études, programmation) avec des travaux prévus en 2008. L’adoption du principe d’un réaménagement de la rue Ottino et d’une piétonisation de Gabriel Péri chaque dimanche.
Les moins
– Une grande difficulté à planifier un programme d’animations commerciales toute l’année dans lequel s’insére une fête du commerce de qualité.
– Une incapacité à convaincre les bailleurs de la Ville (OPHLM et SEMISO) de s’inscrire dans une coopération active pour la recherche de commerce de qualité dans leurs programmes.
– Des limites évidentes dans la gestion actuelle du marché Michelet et le partenariat avec ses commerçants.
– L’impossibilité d’imposer à certains services de la Ville de mettre œuvre la piétonisation des Puces handicapant lourdement la gestion des déballages (rues Paul Bert, et Jules Vallès notamment).
– Une action à peine engagée sur l’artisanat d’art. (notamment en rapport avec le pôle des Puces)
– La programmation encore très hasardeuse d’un pôle commercial de 20 à 25 000 m2 dans les Docks sur l’ancien site Alstom.

Ainsi le « développement économique » est un versant assez positif, et vécu comme tel, de l’action municipale et ce depuis plusieurs années. Même si la traduction en terme d’emplois pour les audoniens reste minime, personne ne songe sérieusement à en imputer à la collectivité la responsabilité.
Parallèlement, le « commerce », nouveau secteur d’intervention municipale peine à peser sur des tendances lourdes très mal vécues (et comprises) par les habitants comme la disparition du commerce de bouche. La ville est souvent à tort considérée comme partie prenante de l’affaiblissement du tissu commercial. Elle a par contre pris tardivement conscience de la nécessité d’intervenir dans ce domaine et n’a pas su encore à ce jour mobiliser sa majorité dans ce domaine.

Bien évidemment, l’action (et donc le bilan) d’un adjoint au Maire c’est aussi, en dehors de la délégation de signature du Maire sur des questions précises comme celles évoquées ci-dessus, une diversité de responsabilités et d’interventions dans plusieurs instances comme, le bureau et le Conseil municipal, les Commissions municipales…
C’est aussi la célébration des mariages, les astreintes de nuit, la Commission des aides sociales, ou représenter la ville dans un Conseil d’école (pour moi Jules Vallès)…

Ceci étant complété pour tous par de nombreuses autres engagements par exemple, dans mon cas, les Conseils d’administration de, la MIEL, de la PFIL, du CBE, du PLIE, la Commission d’Appel d’Offre, le Comité Technique Paritaire, la Commission du droit de places des marchés, la Conférence des Présidents de groupes, de multiples Comités de pilotage ou de suivi et j’en oublie…
C’est au final beaucoup de réunions obligatoires et empruntes de formalisme mais c’est aussi la rencontre de personnalités, des contacts très enrichissants avec la population et des dossiers particulièrement passionnants.

J’ai été un élu très investi et présent dans la vie municipale [8](ce qui ne veut pas dire, hélas, toujours très efficace). Au-delà des questions économiques et de commerce dont le suivi sont de ma responsabilité directe, je suis intervenu sur de nombreux sujets et notamment ceux qui me tiennent à cœur comme les questions d’urbanisme ou de démocratie locale.

J’ai d’ailleurs évoqué beaucoup de questions locales dans une soixantaine de « tribunes libres » du magazine municipal où j’ai exprimé un point de vue parfois iconoclaste mais très souvent assorti de propositions (cf. archives depuis 2003)

Sans logistique, ni groupe politique d’appui en interne à la mairie, ayant un emploi salarié à plein temps (plutôt 40 h par semaine) à côté de mon mandat d’élu (pas loin de 20 h par semaine), j’ai un peu « tiré sur la corde » sur le plan personnel et pas toujours trouvé le temps de multiplier les contacts au plus près du terrain.

Je pense être resté au fond ce que j’étais en entrant dans l’exécutif communal : un peu naïf; déterminé, critique et finalement assez constructif.

Le site STG Qu’est-ce qui vous à le plus déçu ou déplu dans le fonctionnement municipal ?
– La lenteur des processus de décisions de manière générale et une certaine coupure avec le terrain et les citoyens.
– Le « cloisonnement » assez sectaire chez certains politiques, chacun restant dans son pré carré [9](tout en demandant à l’administration de travailler, elle, en équipe et en transversalité).[10]
– L’absence de fonctionnement collectif des élus de gauche au profit d’une certaine « présidentialisation » de l’exécutif communal.

Tout ceci est préoccupant mais pas inéluctable, encore faut-il que les différentes forces politiques municipales jouent leur participation (y compris l’opposition) en dépassant leur intérêt de « boutique », et que les citoyens s’en mêlent !

Le site STG : alors, au bout du compte vous rempilez ?
Là c’est une autre affaire.

Pour l’heure j’ai le sentiment d’être au milieu du gué en termes de résultats et que les actions que j’ai engagées nécessitent une certaine durée. Il est donc assez logique d’envisager un deuxième mandat.
Sur le plan politique j’incarne une présence citoyenne pas très complaisante mais plutôt responsable. Le petit réseau citoyen « Soigne ta gauche ! » se considère toujours à gauche et utilement dans la majorité.

Evidemment pour continuer dans cette celle-ci encore faut-il que PC-PS le souhaitent. Rien n’est moins sûr. Les uns et les autres semblent à ce jour essentiellement préoccupés par la conquête de postes supplémentaires avant de définir un programme municipal cohérent ou de rassembler une gauche réellement diverse.
La tentation est forte pour certains d’asseoir leur autorité avec une nouvelle équipe « sur-mesure » permettant d’avoir complètement les coudées franches.

A l’heure où beaucoup se bousculent au portillon pour un poste d’adjoint(e) au Maire (avec parfois des légitimités très incertaines), je n’irai évidemment pas, ni moi ni mes amis, quémander un strapontin ni adoucir nos convictions pour la circonstance.
Ceux qui choisiront d’exclure plutôt que rassembler devront simplement assumer leurs choix.

Dans ce contexte, j’envisage donc différents cas de figures, car rien n’est définitivement arrêté.

Le site STG : vous avez donc un « plan B »?
Oui. Quoiqu’il arrive rester au service de ma ville et de mes concitoyens.

Le site STG : après vos appréciations sur les engagements, votre bilan, prochaine étape ?
Formuler, avec mes amis, une série de propositions précises pour l’élaboration du prochain contrat de la mandature municipale 2008-2014.
________________________________________
[1] Si on est optimiste on peut considérer que ces engagements surtout portés par une tendance minoritaire de la gauche ne reflètent pas l’ensemble des engagements pris qui euxont été correctement tenus. A chacun de juger en procédant à une analyse exhaustive.
[2]avec un budget inférieur à 1 M€ et une petite équipe d’une douzaine de personnes (soit de l’ordre de 1% des moyens financiers et humains de la Ville)
[3] ici une petite équipe dynamique et qualifiée avec qui j’ai eu le plaisir de travailler
[4]par exemple dans notre cas avec le Medef-Giso, l’Acada (commerçants), l’ADPPSO (Puces)…
[5]Maison de l’Initiative et de l’Economie Locale (regroupant Plaine Commune et St-Ouen), Plateforme Financière pour l’Initiative Locale), ces deux entités comptant notamment Plaine Commune et St-Ouen dans leur Conseils d’Administration.
[6]Fond Intervention pour les Services, l’Artisanat et le Commerce (dispositif d’Etat)
[7]avec des actions programmées de réaménagement des places Payret, Debain, République, de la rue St-Denis, le financment d’un animateur du commerce, d’acquisitions stratégiques, d’animations commerciales…
[8]à priori aucune absence à un Conseil municipal (sur environ 75), 3 absences au Bureau Municipal sur environ 120 réunions en 6 ans. A part le Maire qui préside ces instances, qui dit mieux ?
[9] avec des exceptions heureuses comme Alain Rouault, Francis Godard ou Rémy Fargeas avec qui des rapports simples, conviviaux et constructifs ont toujours été possibles.

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