De la halle gourmande à la supérette…
Pleine page d’un rare enthousiasme dans le Parisien de ce 10 novembre sur la toujours-future halle gourmande des Docks. Cette fois-ci, on toucherait au but. Ce sera pour le printemps 2023 avec en parallèle l’ouverture progressive, jusqu’en 2024, d’une kyrielle de commerces dans le quartier entre le parvis de la rue des Bateliers et le nouvel axe piéton (le cours des lavandières) qui débouchera sur le boulevard Victor Hugo côté Conseil Régional.
Un dossier, rappelons-le, initié et porté par l’ancienne équipe municipale qui avait beaucoup communiqué sur le sujet sans réussir à faire décoller ce porte-avion commercial d’un nouveau genre. Ni même, pour cause de défaillance de l’investisseur, à assurer l’installation attendue d’une petite flottille de commerces de proximité. Le tout avec alors de fortes tensions au sein de la majorité municipale sur la conduite à tenir.
Après de longues années difficiles, l’installation à jets continus d’une nouvelle population, la poursuite des opérations de bureaux et de logements, l’arrivée de la ligne 14 du métro, ont permis à ce secteur des Docks d’acquérir sa crédibilité commerciale. Ainsi, l’équipe municipale vient de signer « une charte de commercialisation avec « La Foncière Frey » qui s’est positionnée sur l’ensemble de la structure commerciale. Un dispositif permettant d’obtenir une cohérence commerciale.
Au menu, l’ouverture progressive de 50 (60 ?) commerces et 6 moyennes surfaces entre 2022 et 2024 avec en priorité « les commerces du quotidien pour les employés et les habitants du quartier, dont une supérette. »
L’ancienne halle Alstom (réhabilitée) deviendra sous peu une « halle gourmande », un concept qui fleurit un peu partout de Copenhague à Lisbonne en passant par Barcelone et Paris. Ouverte, elle déclinerait principalement une grosse offre de restauration « avec des comptoirs de cuisine française et du monde « , « un bar, quatre restaurants » et « un marché quotidien de produits frais avec une partie bio et des produits locaux à prix accessibles (car) ce ne sera pas un marché haut de gamme » et on suppose, pas de bas de gamme non plus.
Clientèle plutôt visée : a priori « les couches moyennes » parmi les salariés, les habitants voire des touristes. Autres produits d’appel pour « un public plus large encore « une salle de spectacle de 300 places avec une programmation annuelle », un « espace de coworking et de formation ». Cerise sur le gâteau (ou plutôt cherry on the cake en franglais officiel): « un studio produisant des reportages, podcasts ou lives pour faire vivre les réseaux sociaux ».
On l’aura compris, fini le centre commercial à l’ancienne avec son parking géant, sa galerie marchande, ses néons et ses caddies. Fini aussi l’usine à la papa ! D’ailleurs les ouvriers ne sont pas le cœur de cible ! Qu’on se rassure, ce sera quand même une usine. Une belle usine à consommer (de « 8 h à minuit ») avec un supplément d’âme culturel.
Qu’on le déplore ou qu’on s’en gargarise : quartiers neufs riment avec concepts nouveaux en termes d’architecture, d’espaces verts, d’aménagements urbains et donc aussi de caractéristiques commerciales.
On rajoutera que tout ceci ici rime également avec équilibre financier de cette ZAC « publique » en évitant d’augmenter la participation de la ville (comprendre des contribuables).
Cette perspective commerciale de proximité au cœur des Docks, fut-elle au-dessus de leurs moyens et différentes de leurs goûts, une chose est certaine : il est peu probable que les habitants de ce secteur de la ZAC se plaignent beaucoup au vu du passif.
Par contre, au-delà de cet « évènement » dans les Docks et pour l’image de la ville, on peut et doit s’interroger plus avant sur la stratégie de développement quantitatif et qualitatif du commerce globalement à St Ouen et pour tous ses habitants. C’est-à-dire, au-delà de ce secteur précis de la ZAC qui est surtout une partie du quartier de la Mairie.
Comme partout, toutes les rues ne sauraient accueillir des commerces dans notre ville et évidemment des commerces « moyen et haut de gamme ». Il faut toutefois renforcer autant que faire se peut les petits pôles commerciaux de proximité, s’appuyer sur les marchés alimentaires, mailler et relier les linéaires commerciaux et quand on le peut « accrocher des commerces qui « tirent vers le haut ». Un travail de longue haleine en partenariat avec des représentants des commerçants et la Chambre de commerce notamment. En tenant un discours de vérité aux habitants et sans oublier la dimension sociale.
En ce sens quelques remarques versées au débat :
Un relatif enclavement de la halle Alstom : ce beau bâti industriel réhabilité peut devenir un lieu emblématique mais souffre néanmoins d’une absence de lisibilité depuis un axe passager (comme le boulevard V. Hugo) si on vise un apport significatif de visiteurs « extérieurs » au quartier. La question est donc de savoir par exemple si pour y accéder les 200m du futur cours des Lavandières auront toujours des commerces éclairés la nuit tombée[1].
Plusieurs quartiers dans les Docks : le périmètre de la ZAC est une chose, la vie des habitants en est une autre. Ainsi les secteurs de logements autour des places Glarner et du RER C (station St-Ouen ligne 14), continueront à fonctionner plutôt avec le pôle commercial Leclerc et sa galerie marchande (rénovée). On est déjà dans un tout autre quartier que celui de la halle.
L’articulation souhaitable avec l’avenue Gabriel Péri : le centre-ville à St-Ouen ne se résume pas à la place de la République. Cette avenue, axe commercial majeur de la commune joue ce rôle de centre-ville. Dès lors deux liaisons sont souhaitables : l’une piétonne[2] au droit de la station-service sur V. Hugo (face au cours des Lavandières) et débouchant au niveau du 20 avenue Gabriel Péri. L’autre étant la rue Ernest Renan à réaménager avec une plus large place pour les piétons.
Le marché Ottino : au cœur du dispositif commercial de la ville, il a été rénové à minima il y a quelques années et étendu ses déballages extérieurs de la rue Raspail à la station Garibaldi avec une avenue piétionnisée le dimanche[3]. Avec l’augmentation de la population, la halle et la rue Ottino sont vite saturés. Globalement, le respect des emplacements, des horaires, de la propreté et la sécurité laissent à désirer. La réflexion sur la qualité du déballage est nécessaire. Le reformatage de l’espace public est indispensable pour gérer les stationnements, les cheminements piétons et la sécurité/ Le tout en intégrant les problématiques du 26 Schmidt ou du Garibaldien et plus généralement de tous les riverains et commerces sédentaires concernés.
Le Vieux Saint-Ouen, ancien centre historique du village intégralement reconstruit après-guerre, ce quartier d’habitat social commencera prochainement une importante rénovation Urbaine dans le cadre de l’ANRU. Son petit marché emblématique demeure un repère fort pour le quartier et ses habitants et un lieu de sociabilité. Il est très problématique qu’à ce jour sa reconstruction et celle du linéaire commercial rue St-Denis semblent être les parents pauvres au moins en termes de « projet partagé » et de communication. En tout cas difficile d’y voir clair dans le plan présenté au Conseil municipal extraordinaire du 8 février 2021.
– Michelet-Bauer un pôle à structurer : le linéaire commercial à ce carrefour, avec les centaines de logements du Village des Rosiers, un nouveau groupe scolaire, le programme accompagnant stade Bauer reconstruit, les logements neufs côté cimetière parisien mériterait une attention particulière. Le développement commercial de ce secteur doit être repensé. Déjà en s’appuyant sur les baux gérés par exemple par la Semiso.
Debain et la rénovation urbaine : ce quartier un peu excentré et délaissé bénéficiera sous peu du Projet de Renouvellement urbain d’Intérêt Régional (PRIR) concernant l’habitat ancien dégradé et sa place sur laquelle se structurent les commerces. Au-delà de la place, il conviendrait sans doute d’avoir une attention particulière sur les anciens rez-de-chaussée commerciaux de la rue des Entrepôts dans un état très disparates de la rue des entrepôts qui assure la liaison directe avec la porte de Clignancourt.
Place Payret à reconquérir : au milieu de centaines de logements (sociaux) un lieu de passage sans âme, un espace public pitoyable et inhospitalier, un mobilier urbain d’un autre âge… difficile de faire pire ! Les rideaux de fer baissés ne sont égayés que par une pauvre superette qui dit tout sur l’abandon du quartier sur tous les plans.
Sans niveler par le bas, le minimum de qualité des commerces et de l’espace public est possible partout dans notre ville sans nier les contrastes et la diversité sociale !
Pour revenir à notre « Halle-gourmande » et « branchée , notre nouveau Maire, Karim Bouamrane affirme toujours enthousiaste : « cette halle va devenir un cœur actif de Saint-Ouen mais plus largement de la métropole du Grand Paris ». Hélas malgré ce gros cœur, il faudra quand même réanimer nos petits cœurs de quartier. Du Vieux St-Ouen à Debain en passant par la place Payret et leurs habitants.
EPS
[1] L’accès actuel à la Halle depuis le métro via la rue Paulin Talabot et ses bureaux éteints le soir donne un côté no man’s land peu rassurant
[2] A priori une percée prévue dans la « concession Hugo-Peri » , opération portée par la Semiso.
[3] Avec à termes un périmètre à ajuster avec l’entrée du futur grand hôpital.
Quid pour ce quart de stouen des services publics d intérêt local tels La Poste, la Santé, la vie sociale dont les salles de réunion, le stationnement gratuit en n’oubliant pas la sécurité préventive.
La future halle gourmande des Docks s’appellera Halle Communale. “Halle Municipale” semblait plus approprié. S’agit-il de faire référence à la Commune de Paris avec l’appellation “Halle Communale” ?