Au coeur des Puces
Les deux tours de logement social au cœur des Puces, finalement bien mal nommées, sont promises à une démolition prochaine et une évacuation contrainte et forcée imminente des derniers occupants.
Pour mémoire, au bord du périphérique, ces tours de 18 étages avec environ 200 logements sociaux, ont été construites pendant le mandat de F. Lefort en 1964 (avec pour architecte Raymond Lopez)[1] et furent réhabilitées sous le mandat de P. Fost au début des années 90.
Faute d’arriver à s’engager sur une opération de réhabilitation lourde (ou autre) pendant les deux mandats de J. Rouillon (1999-2014), le bâti de cette cité périclitera inexorablement avec en parallèle un trafic de drogue durablement enkysté. La double peine pour les locataires !
C’est W. Delannoy (maire de 2014 à 2020) qui optera pour cette solution radicale de relogement (ailleurs) de tous les habitants du site pour les sortir de cet enfer du trafic et des dégradations[2]. Le tout sur fond de grosse opération immobilière (centre de design sur Cap St-Ouen) et de restructuration des tours en logement de luxe.
Autant dire que l’actuelle majorité municipale conduite par K. Bouamrane (élue en juin 2020), a hérité du dossier par ailleurs en pleine crise sanitaire. Si on a bien compris, au milieu du gué et sans solution alternative réelle, le processus de relogement a donc été poursuivi. Les locataires, nous dit-on, auraient tous eu au moins trois propositions de relogements « acceptables »[3].
Selon les dernières informations qui circulent, il resterait sur le site aujourd’hui environ une vingtaine de familles sans solution de relogement et/ou qui refusent les propositions faites. A celles-ci s’ajoutent les squatters et les « tenanciers » du point de deal. Trêve hivernale oblige, le propriétaire (ici « réputé être » la SEMISO) ne peut engager d’expulsions de locataires entre le 1er novembre et le 31 mars habituellement. Date butoir prolongée en 2021 au 31 mai.
Il n’est donc pas complètement exclu qu’une opération, forcément difficile et quelque peu musclée, intervienne assez vite.
Pour ce qui est de l’avenir, comme nous l’indiquions dans un précédent article, l’implantation « transitoire » d’une « Ferme urbaine » en lieu et place des Boute-en-train ce n’est peut -être pas pour demain ni peut-être très malin. Surtout à cet endroit et sans précisions.
Déjà, il faudra confirmer le financement complet de cette démolition de grande ampleur. Ensuite préciser la durée complète de ce vaste chantier jusqu’à son terme. A savoir un calendrier clair: études techniques, permis de démolir, passation des marchés, travaux de démolition des tours, remise en état des sols et aménagement du site (terre végétale, accès, clôture, cabanons, intégration des espaces végétalisés actuels.
Le tout en intégrant le temps et un cadre sérieux pour la concertation indispensable des habitants du quartier et des commerçants des Puces sur le(s) chantier(s) à venir et le(s) projet(s) à envisagés.
Le fond du débat – si débat il y a – sera quand même de savoir si ce site excentré, au pied du périphérique et soumis à une pollution majeure, est bien un bon endroit pour cette Ferme fut-elle « urbaine » et « transitoire ». Et avoir une petite idée de la durée du « transitoire ».
Une opération qui ressemble plus à de l’improvisation pour verdir la communication qu’à un projet sérieusement étudié[4] au sein de notre pôle touristique majeur aux portes de Paris.
En effet, comment pourrait-on sérieusement extraire le site des Boute en Train (environ 1 hectare de son contexte immédiat ? Quelle articulation urbaine avec l’activité commerciale le week-end notamment ? Dans quelles orientations municipales pour les Puces s’inscrit cet aménagement provisoire ?
Du front bâti actuel entre les portes de Montmartre et Clignancourt, à l’aménagement de cette dernière et de l’avenue Michelet en passant par la piétonisation et la place de la voiture,
la vraie question sera en réalité : quel projet d’aménagement pour les Puces dans leur globalité. En intégrant, le problème du programme en cours de construction du Village des Rosiers (500 logements) et le devenir de Cap St-Ouen.
Un dossier complexe à travailler en partenariat étroit avec Plaine Commune, le Département et la Ville de Paris notamment. Le bricolage n’est pas de mise pour ce site touristique d’envergure nationale et internationale qui fait la fierté de notre ville.
Il serait heureux que les deux élues en charge des Puces et le maire nous en disent un peu plus sur ce dossier au moins aussi sensible et emblématique que… le stade Bauer.
Eric PEREIRA-SILVA
[1] Raymond LOPEZ (1904-1966) étant aussi l’architecte sur la tour « Bois le Prêtre » Porte Pouchet (achevé en 1962) et qui a fait l’objet d’une réhabilitation lourde achevée en 2010 par l’Office Hlm de Paris (OPAC) avec le Cabinet d’architectes Lacaton-Vassal (qui a remporté par ailleurs, il y a peu, le prix Pritzker, équivalent du Nobel pour l’architecture).
[2] Cette opération massive de relogement des locataires des Boute en Train, largement engagée par W. Delannoy, bloque ou freine de facto une partie des relogements pour d’autres mal logés dans notre ville.
[3] Nous reviendrons par ailleurs et ultérieurement sur l’incidence de la suppression de ces 200 logements sociaux à l’échelle de la ville.
[4] Improvisation ? Le projet de la liste Réinventons Saint-Ouen indiquait vaguement (Proposition n°66): « réouverture du dossier relatif au réaménagement des Boute-en-train et des perspectives pour ses habitants ». Quelles études ont été menées depuis et par qui pour arriver à cette « Ferme urbaine » transitoire ? Dans quelles instances cela a-t-il été arrêté. Qui sont les élus qui portent ce projet ?
C’est quoi ,concrètement une “ferme urbaine”.
A priori autre chose que des jardins “partagés” (qui ont succédé aux concepts de jardins familiaux et jardins ouvriers). C’est effectivement une bonne question.
Une ferme urbaine c’est une jungle urbaine en plus civilisé.
mince alors, ou va t’on acheter notre shit maintenant ? espérons que Charles Schmidt et Cordon se mobilisent !
(modérateur : attention à l’humour au second degré déjà pour les locataires qui subissent au quotidien ce fléau mais aussi parce que le maire (faute de mieux) pourrait instrumentaliser ce genre de propos pour attaquer ce blog citoyen.
Selon des sympathisants du DAL la dizaine de familles qui restaient et refusaient les propositions plus ou moins adaptées sont finalement parties avant l’échéance fatidique de l’évacuation le 1er novembre date limite des expulsions. Elles devraient avoir eu des solutions ultimes de relogement.
On devrait maintenant passer à l’expulsion par les forces de l’ordre des squatters et surtout des dealers qui ne sont pas protéger par la trêve hivernale.
En attendant la démolition qui n’est pas pour demain, il faudra sécuriser les lieux avec des travaux de murage et autres.