Peace and love

Assises de la sécurité : un catalogue de bonnes intentions générales

Souvenez-vous en octobre 2020, se tenait un Conseil Municipal Extraordinaire[1] qui annonçait une consultation citoyenne en novembre[2] et la tenue d’Assises de la sécurité en décembre 2020, parce que nous sommes entrés désormais dans une démocratie participative et qu’il est important que nous soyons consultés, que nous fassions des propositions et co-construisions notre avenir.

C’est donc la restitution de ces « ateliers », appelés pompeusement « Assises de la sécurité », qui a été mise en ligne tardivement ce 2 avril 2021 [3]  avec une synthèse de 7 pages. Mieux vaut tard que jamais !

 On y retrouve les intitulés des 6 « ateliers » et les propositions élaborées par un collectif de citoyens dont nous ne savons pas qui il est et s’il est représentatif de la population la plus concernée[4]. Le tout agrémenté des propositions émanant des élus dont certaines étaient déjà dans le programme de « Réinventons St-Ouen ». En termes de transparence et de nouveauté, on pourrait faire mieux !

Pour faire court, les axes d’actions tournent autour de l’embellissement de la ville, de la vidéo protection, de la prévention auprès des jeunes scolarisés, du développement de l’Economie Sociale et Solidaire, de la rénovation énergétique des logements (sociaux ?) et des activités avec ses voisins. Qui pourrait être contre ? Est-ce bien nouveau ?

« L’innovation d’embellissement…. », souhaitée par O. Saguez, coordonnateur du premier atelier, se traduit par la création d’une ferme urbaine  et l’accentuation de la végétalisation

C’est ce qu’on appelle le circuit-court : la production au plus près du consommateur. La matière première au service des dealers ? Plus sérieusement, si la qualité du cadre de vie est un point important dans la demande des habitants, je doute que cela soit un point essentiel dans la résolution des problèmes de sécurité même si cela est le dada des urbanistes depuis plusieurs décennies.

Car le bruit, les dégradations, les regroupements de jeunes qui dealent, participent à l’exaspération et à la peur des habitants où sont concentrées ces nuisances. Mais force est de constater que ceux qui y échappent, vivent dans des quartiers où les résidences sont certes végétalisées mais surtout fermées et sécurisées.

Aujourd’hui, même les petites villes de province dont le cadre de vie est plutôt agréable commencent à subir les nuisances des trafics de drogue et ce n’est pas par manque de nature mais bien parce que 6 millions de français consomment régulièrement du cannabis et ne se ravitaillent pas qu’à Saint-Ouen !

« La question des moyens humains et matériels est primordiale… » pour F. Jobard, en charge du second atelier. On nous propose donc des présences et interventions policières accrues sur tous les points de deal ainsi qu’une sensibilisation à la vidéoprotection.

Il est vrai que nous observons depuis plusieurs semaines une présence policière renforcée sur les différents points de deal de notre commune. Mais là encore, je doute que si ce n’est 24h sur 24, cette opération soit infructueuse sur le long terme. Avons-nous les moyens financiers, matériels et humains de le faire ? Car le trafic de drogues est devenu une délinquance massive qui n’acceptera jamais d’arrêter de percevoir ces revenus considérables. Et on voit bien que les points de trafic se déplacent si nécessaire. Voire se reconstituent quasi immédiatement quand ils sont démantelés.

Quant à la vidéo protection, de nombreuses communes s’en sont équipée depuis 2008 (5), mais les délits sont-ils vraiment en baisse ? Concrètement à St-Ouen, l’adjoint au maire, JF. Clerc rappelait lors du Conseil Municipale Extraordinaire (6) que 105 caméras fonctionnaient sur la commune depuis 2013 et que 36 autres seraient installées rapidement, tout comme doit le faire la SEMISO sur ses espaces résidentiels. Ces caméras avaient occasionné 544 réquisitions judiciaires en 6 ans.

Si la vidéo protection aide à la résolution d’enquêtes, des voix mettent aussi en doute leur efficacité et pointent le coût élevé : entre 8.000 et 15.000 euros par caméra, auquel s’ajoutent les frais de maintenance et de personnel.

« Le traitement des trafics est multifactoriel. Il peut passer …… par un travail de prévention ou de sensibilisation auprès des scolaires …….. » affirme B.L aforestrie.

Depuis 2010, la politique de prévention des conduites addictives en milieu scolaire s’inscrit tout au long de la scolarité, pour permettre à chaque jeune d’adopter des comportements responsables[5].Les actions éducatives mises en place dans le premier et second degré existent et sont en lien avec le projet d’école ou d’établissement. Si tel n’est pas le cas à Saint-Ouen, il est bien sûr temps de les mettre en œuvre mais j’imagine que le service santé municipal et les équipes pédagogiques accompagnées des représentants des parents d’élèves s’y sont déjà employés.

J.Traverse et R. Bouchane nous encouragent à faire accéder les jeunes à l’insertion parce que « L’économie locale, sociale et solidaire, le commerce et l’emploi jouent un rôle décisif pour lutter contre les trafics et l’insécurité. » On ne peut que se féliciter de l’engagement de la municipalité auprès des jeunes pour les aider dans leur recherche de stages et d’emplois. Mais, convenons que cela ne concerne pas les décrocheurs scolaires et tous ceux qui en rupture sont déjà guetteurs ou vendeurs et qui depuis quelques années n’officient plus sur leur lieu d’habitation et seront donc difficilement abordables pour des médiateurs de rue.

L’atelier Logement, coordonné par K. Bontinck, adjointe déléguée au logement de Saint-Denis, ne fait pas état de la réhabilitation des logements sociaux des quartiers Cordon et VSO dans le cadre de l’ANRU ! Curieux, quand on y connait la présence du trafic et l’impact sur la vie des riverains. Si le plan de rénovation énergétique des logements n’est pas à contester (mais l’isolation thermique va-t- elle jouer un rôle pour repousser les trafics ?), il y aurait eu à dire sur le comment et le pourquoi des points de deal aux pieds des immeubles de logements sociaux et sur le bilan à en tirer pour les futures reconstructions et aménagements urbains.

Quant au dernier atelier, la mention Très Bien de Y.Kherfi, nous rassure quand il nous rappelle que : « Chaque action de prévention réussie diminue le travail de sécurisation face à la délinquance…. » et que les propositions tournent autour de l’engagement des jeunes dans le sport et la culture ! Les politiques de la ville l’ont déjà travaillé depuis des décennies.

Mais apparait enfin : La mise en place d’un service de soutien à la parentalité ! J’ai déjà exprimé sur ce blog la nécessité de cette mesure, je la soutiendrai donc à 200%. Mais ce service devra travailler finement et sur le long terme avec les écoles primaires et les services sociaux pour accompagner des enfants et leurs familles [6].

Les propositions de ces Assises, me paraissent insuffisantes ou inadaptées. L’écoute des habitants concernés et des professionnels du terrain dans tous les quartiers n’a pas été enclenchée hormis les riverains de la place du 8 mai et des associations du Vieux St-Ouen, me semble-il.

Pour rappel les presque 1 000 contributions à la consultation n’émanaient pas ou peu des riverains touchés par les trafics. Ce que nous vivons à Saint-Ouen est commun à beaucoup de quartiers en France et les réponses devront être autant multiples que sérieuses. C’est un sujet dont nous devons nous emparer urgemment si nous ne voulons pas avoir de mauvaises surprises aux prochaines présidentielles.

Au final, pas un mot sur le travail des élus du précédent mandat (2014-2020), ni sur celui du mandat qui l’a précédé (2008-2014) et auquel participait le Maire actuel. Il eut été instructif de connaître sinon les succès (limités) du moins les acquis de l’expérience ou les leçons des échecs passés en matière de sécurité. Rien non plus en réalité sur la question de la légalisation pour briser le modèle économique du trafic.

Pour l’heure l’actualité en matière de trafic et d’insécurité rappelle cruellement que la communication, la seule répression et les grandes messes ne suffiront pas…

Dominique GARCIA

[1] Un Conseil municipal que nous qualifieront plutôt d’extravagant qu’extraordinaire tant il s’agit en réalité d’une opération de communication.

http://www.soignetagauche.fr/2020/10/passer-de-la-communication-a-laction-concertee

http://www.soignetagauche.fr/2020/11/consultations-et-desillusions/

[2] https://jeparticipe.saint-ouen.fr/projet/les-assises-de-la-securite/

https://jeparticipe.saint-ouen.fr/projet/les-assises-de-la-securite/nos-mesures-en-reponse-a-linsecurite/

[3] https://www.saint-ouen.fr/actualites/13-actualites/1380-restitution-des-assises-citoyennes- de-la-securite-toutes-acteurrices-de-notre-ville.html

[4] Une quarantaine de personnes auraient participé aux 2 ateliers à distance. Dans sa synthèse des Assises, la municipalité indique avoir été conseillée par les citoyens de 2 associations ; «  l’Atelier Démocratique » et le « Réveil Citoyen » dont nous ne savons pas qui les animent et qui les composent.

[5] On est passé de la vidéosurveillance à la vidéoprotection : càd « un outil qui n’a pas pour but de réprimer mais de prévenir les délits »

[6] file:///C:/Users/Dominique/Downloads/Inserm_EC_2014_ConduitesAddictivesAdolescents_S ynthese.pdf

 

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1 réflexion sur « Peace and love »

  1. Salut Dominique,
    Merci à toi pour ton analyse de ces assises sur la sécurité à Saint-Ouen.
    Par moi-même je n’ai pas pu l’étudier de manière détaillée.
    L’autosatisfaction de sa communication m’a plutôt exaspéré tout comme celle, habituelle depuis des décénies du journal officiel de la ville.

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