« Un projet sans alternative, c’est un projet sans avenir » ?

Léger frisson dans les premiers rangs composés des têtes pensantes de l’AP-HP, lors de la réunion de « concertation » ce mardi 29 janvier sur le Grand Hôpital sur le site PSA-Citroên[1]. Auteur de cette sentence  (notre titre) : le garant du débat public (CNDP)[2] lui-même, pas très convaincu par l’option unique et incontestable d’un tel équipement côté Garibaldi en centre ville.

Un avis issu d’une visite de terrain officielle[3] quelques jours avant avec des riverains et habitants qui ont aussi évoqué les hauteurs du vis à vis, les différents accès, l’élargissement des voiries, les circulations des véhicules, les navettes d’hélicoptères ou les transports en commun. Le tout avec des inquiétudes exacerbées et des réponses pas très satisfaisantes.

Cette implantation et sa configuration posent en effet des problèmes sans aucune comparaison avec le choix initial des Docks. Une option présentée alors comme le nec plus ultra et finalement purement et simplement abandonnée. Malgré la concertation début 2017 et près d’un million d’euros déjà partis en fumée[4] !

Après ces tribulations, on comprend que l’Etat et l’AP-HP se soient précipités sur les 4 ha du site PSA et deux parcelles proches. Sans trop s’appesantir sur le sort des ouvriers de l’automobile, des employés de Conforama, ni sur l’insertion urbaine de ce mastodonte pour tout ce secteur central de la ville de Saint-Ouen.

La seule vraie préoccupation désormais des « porteurs du projets » c’est semble-t-il que le compteur tourne en termes de délais et de coûts. Donc, plus le temps ni les moyens de faire autrement en écoutant réellement les habitants et même leurs élus[5]. Un « ça passe ou ça casse » dangereux !

Quoi qu’on puisse penser de la philosophie de ce type de méga établissement (économie d’échelle, « optimisation » des coûts, de réduction des lits et déshumanisation), nous continuons à penser, avec d’autres, qu’il faut pour le moins revisiter cette implantation en positionnant l’hôpital boulevard Victor Hugo et le campus côté Garibaldi. Du moins étudier sérieusement cette variante.

Une alternative hélas évacuée d’un revers de manche par l’AP-HP. Celle-ci, après sa déconvenue fatidique dans les Docks, donne vraiment le sentiment d’avoir saisi l’opportunité (« signalée » par l’Etat) d’acquérir l’usine PSA soit 4 ha « indispensable » pour l’hôpital. Puis, de fil en aiguille, avoir négocié du foncier côté Victor Hugo (Conforama et Gaudefroy) pour adjoindre un campus universitaire sur 3 ha. C’est en tout cas ce que laissait entendre en public l’AP-HP le 29 janvier.

Au diable l’insertion urbaine, 4 + 3  le compte est bon ! Dès lors tout est écrit et déjà figé dans le marbre. Sans avancer d’arguments sur la densification différenciée de ces deux ensembles fonciers (de part et d’autres de la voie ferrée), ni même envisager d’intégrer la parcelle « Parc d’activités Victor Hugo » rue Louis Blanc (1,8 ha). Une vraie question posée spontanément par des habitants. Une intégration qui rendrait caduque la démonstration de l’AP-HP puisque la partie V. Hugo deviendrait alors plus importante spatialement que celle de PSA !

A noter également des arguments risibles de l’AP-HP comme « le risque d’une crue millénaire de la Seine » pouvant atteindre le boulevard Victor Hugo et bloquer le fonctionnement de l’hôpital[6]. Une affirmation osée pour un équipement prévu « pour 50 à 60 ans ». Sans oublier que l’implantation initiale projetée par l’AP-HP était en face (sur le trottoir numéros pairs) dudit boulevard. Enfin que le choix s’était porté au final, plus près encore de la Seine, sur la zone d’activités Valad dans la zone inondable (crue centenaire) clairement inventoriée au PLU ! Bref, à vouloir trop prouver on frôle le ridicule.

Pour mémoire rappelons quelques évidences concernant cette alternative à étudier d’un Hôpital sur Victor Hugo avant d’arrêter une décision sérieuse :

  • l’axe principal pour la desserte est le boulevard Victor Hugo avec une emprise de 27 m (chaussée + trottoirs), contre 20 m pour l’avenue du Glarner (mais avec un goulot d’étranglement à 10 m sous le pont SNCF !), et 12 m pour les rues pour Farcot et Louis Blanc. Cette départementale (D410)est la seule voie à pouvoir « encaisser » les flux générés par l’hôpital: logistique des livraisons et interventions techniques, personnels, visiteurs et ballet des urgences (Samu, pompiers, ambulances) avec la possibilité de larges espaces publics accompagnant un carrefour urbain place du Capitaine Glarner (plus de 6 000 m2).[7]
  • La desserte principale en transports en commun est la future ligne 14 dont la station Clichy Saint-Ouen (2020) est à moins de 450 m, en correspondance avec le RER C, et bénéficiera du redéploiement des lignes de bus en permettant à terme de rejoindre  rapidement (à Pleyel) les lignes 15 et 16 du Grand Paris Express[8].

A équipement majeur infrastructures majeures les plus proches. Sans aller chatouiller les riverains avec un élargissement doublant la rue Farcot et une circulation forcément invasive à cet endroit, une alternative donc permettant, en parallèle sur l’avenue Gabriel Péri, une intégration urbaine plus facile d’un campus et de ses étudiants en cœur de ville avec ses cafés, restaurants et commerces existants en générant une animation bénéfique pour tous.

A l’heure du débat public national espérons, dans notre débat local officiel (portant sur 1 milliard d’euros publics), que la voix du garant et ses suggestions assez claires seront entendues et examiner réellement.

En tout état de cause, ceux qui semblent vouloir forcer le destin sur ce dossier ne sont peut-être pas au bout de leur peine.

Ainsi, ce projet d’hôpital, aux caractéristiques bien particulières, nécessite la modification du Plan local d’urbanisme Intercommunal (PLUI) en cours de rédaction par Plaine commune pour actualiser et mettre en cohérence les règles des neuf villes. Conformément à sa philosophie de « coopérative de villes », Plaine Commune n’a pas vocation à s’opposer à un projet sur une commune… sauf bien entendu si le Maire de la Commune s’y oppose lui même[9].

Quoi qu’il en soit et au bout du compte, l’Etat aura recours à une procédure « programme d’intérêt général (PIG) pour intégrer de gré ou de force son programme dans le PLUi. Le tout avec des procédures qui doivent bien s’enchaîner en évitant de rater une marche[10].

Enfin, au-delà de la cuisine juridique, les fondements incertains de ce projet contesté et sans alternative, son impact financier pour le contribuable et urbain pour le centre ville de Saint-Ouen justifient d’écouter une peu les citoyens et de ne se tromper à nouveau.

A suivre (avec beaucoup d’attention).

Eric PEREIRA-SILVA

*** 

[1] Une concertation expresse de deux mois (période de fêtes de fins d’années comprises) et une information finalement succincte pour l’immense majorité des habitants ou des acteurs locaux.

[2] Garant : D’une manière générale, un garant est une personne (ou un groupe de personnes) chargée(s) d’assurer la sincérité et le bon déroulement d’une concertation. Extérieure aux parties prenantes, elle a pour vocation de créer un climat de confiance entre elles afin de faciliter le déroulement du processus de concertation. voir la suite sur le site de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) : https://www.debatpublic.fr/glossaire/349

[3] Un tour du « pâté de maison » (Farcot / C. Glarner/V.Hugo / L. Blanc) avec 3 groupes de personnes d’une vingtaine de personnes chacun.

[4] Très exactement 965 614 € selon la délibération adoptée au Conseil municipal de Saint-Ouen du 28 janvier dernier afin d’indemniser la ZAC des Docks et son aménageur public (Sequano) pour les frais engagés (études, honoraires, frais financiers..) dans l’option avortée sur le parc d’activités des Docks rue Ardoin.

[5] De William Delannoy (Maire UDI) sceptique qui « attend » de voir à Patric Braouezec (Président de Plaine Commune, PCF) qui fait savoir que le projet d’implantation « ne lui convient pas » en passant par Eric Cocquerel (Député, LFI) radicalement contre le projet.

[6] dixit un des pilotes de l’AP-HP lors de la réunion publique du 29 janvier 2019

[7] L’avenue Gabriel Péri à une emprise de 14 m et une très faible capacité d’aménagement « routier » du carrefour Péri / Farcot / L. Blanc / Kléber / C . Schmidt. pour accueillir des flux automobiles supplémentaires et avec un marché dominical piéton entre ce carrefour et la rue Edouard Vaillant.3

[8] La ligne 13 station Garibaldi devant le projet actuel d’hôpital sera « déssaturée » par l’arrivée de la 14 mais restera en tout état de cause une ligne classique pas très rapide et très chargée.

[9] Selon Le Parisien du 7 décembre dernier : « la première rédaction du PLUI (qui) doit être adopté en 2020. Patrick Braouezec, Président de Plaine Commune, semble plutôt attentif puisqu’il a écrit au collectif  que « le projet d’implantation (du Grand Hôpital) tel qu’il est envisagé ne (lui) convient pas » ». (ndlr : Si, a priori, c’est le Conseil Communautaire qui décide l’avis de son Président n’en reste pas moins significatif… mais cet avis reste significatif )

[10]

Il faudra aussi débrouiller rapidement le devenir la concession d’aménagement Hugo-Péri pour la résorption de l’habitat insalubre entre la Ville et la Semiso pour le secteur 79-87 boulevard V. Hugo dans le périmètre du projet, là où était prévu 46 logements neufs et des commerces intégré dans le périmètre du projet. Une concession d’aménagement dont Le compte rendu financier au 31/12/2017 a été approuvé ce 28 janvier 2019 au Conseil municipal.

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6 réflexions sur « « Un projet sans alternative, c’est un projet sans avenir » ? »

      • L’implantation est bonne, voulons-nous vraiment voir l’hôpital aller dans un autre commune ?
        Par contre la proposition d’inverser hôpital et université (avec rachat de l’hectare) est très intéressante. Comment expliquer qu’elle n’ait été discutée ? (problème de budget, de vendeur, de proposition jamais présentée en conseil, autre…?)

  1. Ce projet est une aberration, une de plus. Alors qu’il y avait des terrains qui aurait permis de bâtir un projet ambitieux non il faut que l’on choisisse un projet complétement tordu qui ne va engendrer que des problèmes. La preuve : not bon maire semble sceptique.

    Ne pas oublier le passage par Glarner des camions bennes à destination de l’incinérateur.

    Il est préférable dans ces conditions que cet hôpital aille dans une autre commune.

    • Et aussi les semi remorques Oury et compagnie qui remmènent de l’incinérateur le soir les déchets non brûlés sur pour des sites d’enfouissement. Allez donc humer leurs effluves rue du Capitaine Glarner en soirée.

      Et également le passage des bennes à ordures rue Louis Blanc !

      • Allez donc humer leurs effluves rue du Capitaine Glarner en soirée.

        Moi j’ai d’autres plaisirs. Blague à part, l’hôpital (si il voit le jour) va générer lui aussi quantité de déchets.

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