L’Etat, la Princesse et le roitelet

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Une histoire de châteaux, de mobilier et de roturier… c’est le conte de Noêl que nous offre le grand quotidien régional l’Est Républicain du 27 décembre sur l’affaire du possible musée de la Restauration au Château de Saint-Ouen. Un dossier complet qui renvoie d’ailleurs à l’article de ce blog le 24 mai dernier intitulé “Restauration(s) au château (?!)”.

On se rappellera que les élus de l’opposition municipale s’étaient saisis des informations avions publiées ici pour interpeller le Maire au Conseil municipal du 30 mai 2016[1]. Un peu gêné aux entournures mais avec sa morgue habituelle, William Delannoy, avait confirmé à sa façon la piste du musée de la Restauration et son projet initial de restaurant gastronomique au château.

Texto : « ce serait bien d’avoir un équipement qui reprenne l’originalité de ce qu’il était. A savoir le château de la Restauration, le lieu de la signature de la restauration de la monarchie, monarchie républicaine». Mais voilà, donc pas de perspectives. Si nous avons la possibilité d’avoir un beau conservatoire (ndlr : sur le site de Mains d’œuvres), si je trouve quelqu’un qui veut faire de cet espace, le château, un restaurant et qui me donne un bon loyer pour pouvoir entrer dans les caisses de mon budget pour faire du social (…) je ne manquerai pas de vous expliquer le montage… mais pour l’instant ce n‘est pas d’actualité ».

En résumé : ça s’pourrait mais circulez y’a rien à voir

Depuis, silence radio. C’est bien dommage puisqu’il faut lire l’Est Républicain[2] (ci-après 5 articles) pour en savoir beaucoup plus compte tenu de la grande discrétion de l’équipe municipale. Ainsi William Delannoy et ses amis se sont bien gardés d’évoquer un nouveau « détail » : le décret du 2 juin 2016. Celui-ci signé par le Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, et la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, classe au titre des monuments historiques toute une liste d’objets mobiliers se trouvant au château d’Haroué (propriété de la Princesse Minnie de Beauvau-Craon et « appartenant à la commande de Louis XVIII pour l’ameublement du château de Saint-Ouen offert à la comtesse du Cayla en 1822.

Une décision ministérielle qui crédibilise la perspective d’un musée de la Restauration.

Difficile de croire que l’adjointe à la culture et le Maire de Saint-Ouen ne suivent pas sérieusement ce dossier avec le Ministère de la Culture et pourquoi rien ne filtre depuis 6 mois.  

Une chose est certaine : on ne risque pas le point de côté dans cette affaire puisque les études prévues sur le nouveau conservatoire ont été récemment reportées pour cause d’économies.

Autant dire que le conservatoire d’aujourd’hui, engoncé dans les murs du Château, n’est pas près de déménager, qu’il est peu probable que Mains d’Oeuvres quitte son site actuel (rue Charles Garnier) et enfin qu’un nouveau conservatoire ne voit le jour avant le milieu du prochain mandat municipal (2020-2026).

D’ici là, l’Etat pourra – espérons-le – acheter beaucoup de mobilier pour un futur musée et on aura vu s’ouvrir d’excellents restaurants à Saint-Ouen.

EPS

5 articles (passages soulignés en gras par nous) dont “Pour meubler le musée de la Restauration ?” renvoyant à notre article du 28 mai 2016.

lest-republicain

PATRIMOINE – DANS LE SAINTOIS AU SUD DE NANCY

LE CHÂTEAU D’HAROUÉ DANS LA TOURMENTE

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Le ministère de la Culture étudie la possibilité de retirer le mobilier du château d’Haroué dont il s’est rendu propriétaire en 2007, pour 3,5 M€. Une décision lourde de conséquences. 27/12/2016

Sera-t-il toujours possible de visiter le château d’Haroué, situé dans le Saintois, au sud de Nancy et si oui avec quel mobilier exposé ? Si la princesse Minnie de Beauvau-Craon, propriétaire des lieux, ne peut ou ne veut répondre aujourd’hui (lire son interview ci-contre), ces questions sont parfaitement légitimes au regard des réflexions lancées et des décisions prises récemment par le ministère de la Culture. Après l’imbroglio de la vente aux enchères de juin 2015 où, sans avertir ni les services de l’Etat, ni les collectivités (la Région Lorraine à l’époque et le département de Meurthe-et-Moselle), ni même les musées, la princesse a souhaité vendre une partie du mobilier lui appartenant, le ministère a décidé de classer début juin 2016, au titre des monuments historiques, tout un ensemble d’objets appartenant à Minnie de Beauvau-Craon et provenant, entre autres, de la chambre de Mme de Cayla (lire par ailleurs).

Le ministère confirme aussi étudier la possibilité d’en retirer le mobilier, dont il s’est rendu propriétaire en 2007, pour la coquette somme de 3 à 3,5 millions d’euros. A titre exceptionnel, il avait cependant consenti à le laisser en dépôt au château d’Haroué.

Parmi les pistes de réflexion qu’explore le ministère, il se pourrait que ce mobilier d’Etat puisse être transféré et exposé au château de Saint-Ouen, d’où ce patrimoine est originaire. La commune de Seine-Saint-Denis reconnaît s’être intéressée au devenir de ces pièces au moment de la vente aux enchères de 2015. Là aussi, le motif est tout aussi légitime. Son château, qui fut celui de la favorite de Louis XVIII, Zoé Talon, comtesse du Cayla, laquelle le légua à sa mort (1852) à sa fille, la princesse de Beauvau-Caron, pourrait accueillir ces biens nationaux. « Si nous n’avons pas les moyens d’acheter ce mobilier, nous pourrions l’exposer. Rien n’est décidé pour le moment, il ne s’agit que de discussions entre nos services et ceux du ministère », insiste l’adjointe à la culture de saint-Ouen, Brigitte Bachelier.

Depuis des décennies, le ministère de la Culture et la princesse Minnie de Beauvau-Craon entretiennent des relations tumultueuses. Garants des biens et des fonds publics, les services de l’Etat s’inquiètent des conditions de conservation du mobilier. L’achat d’une partie, en 2007, conjugué aux aides des collectivités, devait permettre de couvrir la quasi-totalité des importants travaux de réhabilitation du château, dont la réfection de sa toiture. Le conseil régional de Lorraine, dans un communiqué datant de juin 2015, rappelait qu’il avait versé, entre 1998 et 2008, 524 000 € d’aides pour des «travaux de restauration du château, à la rénovation des intérieurs et de certains mobiliers ».

Depuis cette date, les vannes ont été coupées puisque « le service régional de l’inventaire n’a jamais pu exercer sa mission, en dépit de la convention signée par Mme la princesse ». Alexandre POPLAVSKY

ARTICLES LIES

  • Le mobilier récemment classé
  • « je ne suis plus l’esclave de l’Etat »
  • Pour meubler le musée de la Restauration ?
  • Une acquisition sans cntrepartie 

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LE MOBILIER RÉCEMMENT CLASSÉ

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Le décret a été publié le 2 juin 2016. Signé par le Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, et la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, il classe au titre des monuments historiques toute une liste d’objets mobiliers appartenant à la princesse Minnie de Beauvau-Craon et se trouvant au château d’Haroué. Il s’agit, précise le décret, d’un ensemble de pièces « appartenant à la commande de Louis XVIII pour l’ameublement du château de Saint-Ouen offert à la comtesse du Cayla en 1822, présentant un intérêt public d’art et d’histoire en tant qu’ils constituent un jalon capital pour la connaissance du mobilier de prestige et du goût de l’époque de la Restauration ».

Malgré l’opposition de la princesse, le ministère a donc classé un tableau et tout un ensemble mobilier en acajou du XIXe siècle, avec souvent une garniture en soie brochée jaune à bordure veloutée ponceau :

1° Portrait de Zoé Victoire Talon, comtesse Baschi du Cayla, et de ses enfants, Valentine et Ugolin, sur la terrasse du château de Saint-Ouen et son cadre, attribué à François Gérard dit baron Gérard, huile sur toile, bois doré, 1824 ;

2° Un lustre à vingt-quatre lumières attribué à Antoine André Ravrio, bronze doré et ciselé de feuilles de laurier ; corne d’abondance et de rosaces, décoré d’enfilage de cristaux et de mirzas, époque Restauration ;

3° Une table de toilette en acajou du XIXe , miroir ovale et mobile maintenu par des cornes d’abondance ; marbre blanc veiné ;

4° Deux bergères à dos cintré, acajou et placage d’acajou ;

5° Six des huit fauteuils d’origine, en acajou ; garniture en soie brochée jaune à bordure veloutée ponceau ; scubeauvau de palmettes et de fleurs de lotus ; accoudoirs à enroulements, estampillés « P. Bellangé », XIXe siècle ;

6° Deux méridiennes de forme rectangulaire à dos renversé présentant des étiquettes manuscrites : « Saint-Ouen, grande chambre à coucher », XIXe siècle ;

7° Un canapé rectangulaire à chevet renversé en acajou, porte une étiquette manuscrite sur châssis : « Lit de repos de la grande chambre », du XIXe siècle ;

8° Trois des quatre chaises d’origine à dossier gondole ajouré ;

9° Deux écrans de cheminée avec la partie supérieure arrondie et moulurée, feuille amovible ;

10° Deux tabourets de pieds de forme rectangulaire ;

11° Quatre paires de torchères attribuées à Pierre Philippe Thomire, vers 1821-1822.

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QUESTIONS À

à la Minnie de Beauvau-Craon (Photo archives RL/Anthony PICORÉ) 

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« JE NE SUIS PLUS L’ESCLAVE DE L’ETAT »

Etes-vous au courant de l’étude du ministère de la Culture qui porte sur un éventuel déplacement du mobilier en dépôt au château d’Haroué vers un autre site, comme par exemple le château de Saint-Ouen ?

« A Saint-Ouen, on m’a dit qu’il n’était pas possible de déplacer ce mobilier. Le château abrite une école de musique pas faite pour exposer ces objets. Mais l’Etat a tous les droits. Si on vous a dit que ce mobilier devait quitter Haroué, c’est sans doute vrai. »

Prévoyez-vous d’ouvrir à nouveau le château au public ?

« Je vais voir. Tout dépendra de la progression des discussions que nous avons avec les services de l’Etat. Après 35 ans de conventions, je ne me sens plus l’esclave de l’Etat ni de la Région et du Département. Maintenant, nous sommes en période de fêtes, je ne veux pas en dire davantage pour le moment. »

L’achat d’une partie du mobilier en 2007 par l’Etat prévoyait-il une contrepartie et notamment la réalisation de travaux de restauration ?

« Il n’y a pas de contrepartie. »

Propos recueillis par A. P.

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POUR MEUBLER UN MUSÉE DE LA RESTAURATION ?

Si la commune de Saint-Ouen n’est guère diserte sur les discussions en cours avec le ministère de la Culture, son opposition de gauche, en revanche, se montre beaucoup plus loquace. Sur son blog « Soigne ta gauche ! », elle avançait en mai dernier que l’actuel occupant du château, en l’occurrence un conservatoire de musique, doit quitter les lieux pour des locaux plus adaptés. Du coup, le bel hôtel particulier intéresserait, assure-t-il, le ministère de la Culture. Alors certes, les informations sont vagues et s’appuient sur des sources contestées par le microcosme politique de Saint-Ouen. Toujours est-il, rappelle l’opposition, que Louis XVIII n’a pas que légué ce château à sa « bonne amie » la comtesse de Cayla. C’est dans cet endroit qu’il fit la « Déclaration de Saint-Ouen » en mai 1814, ouvrant la voie à la monarchie constitutionnelle dans le cadre du retour à la royauté en France. « Cette séquence assez courte mériterait donc un musée de la Restauration qui n’existe pas aujourd’hui dans notre pays », peut-on encore lire sur le blog. Et du coup, le mobilier du château d’Haroué pourrait venir habiller ce musée « Restauration ». L’opposition affirme cependant que le maire UDI de Saint-Ouen, William Delannoy, nourrit un tout autre projet. Il souhaiterait y installer « un restaurant gastronomique haut de gamme ».

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UNE ACQUISITION SANS CONTREPARTIE 

L’Etat s’est porté acquéreur de plusieurs objets du château d’Haroué ayant une forte valeur historique et patrimoniale en 2007.

Montant de la transaction : autour de 3 millions d’euros. Il est ainsi devenu propriétaire du célèbre tableau de Louis XVIII dans son bureau des Tuileries, d’un pendule signée du célèbre sculpteur Jean-Jacques Feuchère, d’un magnifique lustre non attribué mais de style « gothique » (NDLR : propre au début du XIXe siècle) et, bien sûr, l’ensemble du cabinet dit « gothique » provenant de Saint-Ouen. A la suite de cette vente, il n’y a pas eu de convention signée obligeant la propriétaire du château d’Haroué à effectuer des travaux de restauration. Cette somme conséquente, la princesse en a donc fait ce qu’elle voulait, ce qui est totalement normal.

Malheureusement, 8 ans plus tard, il n’en restait plus assez puisqu’en juin 2015, elle a décidé de vendre un certain nombre d’objets aux enchères pour anticiper les nécessaires travaux de restauration dont le château a besoin depuis très longtemps.

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[1] à voir la séquence du conseil sur le sujet à partir de 31 :50 J. Rouillon puis 32 : 30 W. Delannoy et 35 :20 F. Durand.

[2] Quotidien qui a eu la courtoisie de nous avertir de la publication de son dossier dans lequel Soigne ta gauche est citée.

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4 réflexions sur « L’Etat, la Princesse et le roitelet »

  1. Bravo encore a stg pour ce complement d infos sur le devenir du chateau.
    Le depart du conservatoire permettrait une remise a niveau technique ( securite, accessibilite, fonctionnabilite accrue). Mais il faudra que la connsultation des personnels et services et usagers de la culture se termine pour deposer un cahier des charges realiste pour les concours d archi et l agrement du ministere. Et la recherche de financements.

  2. Bravo Éric pour ce dossier bien renseigné et complet. Un sujet important car il s’agit du patrimoine de la ville et de l’Histoire locale, donc légitime. J’espère un vrai débat sur ce potentiel musée et la modernisation du conservatoire de musique, il en était déjà question dans le précèdent mandat

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