CARA : les résidents s’invitent au Conseil

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« Se méfier des jeunes »… encore une bonne résolution du 1er janvier  aussitôt formulée et aussi vite oubliée. Dommage pour certains élus de la Majorité en campagne électorale.

Les résidents de notre vieux foyer de jeunes travailleurs (FJT) communal n’ont visiblement pas apprécié d’être traités comme des moutons qu’on conduit à l’abattoir. C’est à dire, l’air de rien un peu dehors.

La « fin de contrat » musclée d’un résident jeté à la rue il y a une dizaine de  jours et quelques lettres « d’adieu » glissées sous les portes ont visiblement mis le feu aux poudres.  La plupart des 130 (!) jeunes résidents en effet n’étaient pas réellement informés qu’ils devraient – tous – quitter les lieux avant le mois de juin pour un projet dont ils ignorent tout. Et sans aucune assurance d’être un jour logés dans un nouveau foyer[1] qui n’est d’ailleurs pas pret d’être livré.

Bref, un peu plus qu’une maladresse ou un défaut de communication. Une situation en tout cas vécue comme un parfait mépris.

Après la manifestation  de mercredi dernier et un premier échange (pas très fructueux) avec plusieurs élus dont notamment P. Planque (1er Adjoint, Urbanisme et finances), le collectif des Résidents a lu ce lundi soir devant le Conseil une déclaration claire, constructive mais ferme (ci-après).

Un dernier Conseil municipal de la mandature assez surréaliste, présidé exceptionnellement par le 1er Adjoint,[2]Europe Ecologie, Lutte Ouvrière et  le PS, pourtant membres à part entière de la Majorité sortante et le Modem[3], se sont assez fortement (et prudemment) démarqués du groupe communiste dans cette affaire peu vendable sur le plan électoral et… moral.

Pour sa part, F. Giunta (communiste) Adjoint au Maire au Logement, qui a promis qu’il tiendrait ses promesses (floues), a conclu sans rire qu’il était solidaire des jeunes résidents.

Après ce coup de projecteur, une chose est certaine l’opération et le planning marqueront un peu le pas pour gérer l’urgence sociale et humaine de ce dossier touchant directement notre jeunesse.

A suivre (attentivement)…

Ci-après le communiqué lu par la jeune représentante du collectif des résidents du CARA.

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[1] voir notre précédent article publié il y a quelques jours.

[2] Paul Planque qui a priori quitterait Saint-Ouen et son mandat d’ici quelques semaines (après les Municipales)  alors que Jacqueline  Rouillon la Maire-Conseillère Générale et Présidente de l’association gérant le CARA vient de perdre son mari Michel Bentolila (ex adjoint à l’Urbanisme) il y a quelques jours et était, on le comprend, excusée.

[3] Le reste de l’Opposition (Delannoy-Kemache) est arrivé a priori un peu après la bataille sur ce point de l’ordre du jour.

 

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6 réflexions sur « CARA : les résidents s’invitent au Conseil »

  1. Faut-il croire que si ces jeunes ne s’étaient pas révoltés, c’était la lourde assurée?

    En tous cas, moi j’étais dès le départ sur des principes qui n’évoluent pas avec le CAC 40., c’est à dire avec les résidents.

    Encore une raison de ne pas voter JR au 1er tour des prochaines municipales.

  2. Le bilan de JR, dans ce domaine comme dans d’autres, parlons-en !

    INFO

    Entretien avec Leslie et Erika, membres du Collectif de résistance des résidents du FJT Cara

    Propos recueillis par Flora Carpentier

    A Saint-Ouen, les jeunes travailleur-euse-s du Foyer Cara se battent depuis le mois de janvier contre les expulsions et la fermeture de leur lieu de vie, programmée pour juillet 2014, sans qu’aucune solution de relogement ne leur ait été proposée [1].

    S’en prendre à une équipe municipale dirigée par le Front de Gauche, en plein cœur de la campagne pour les élections municipales, ça relevait du défi.

    Alors que la mairie vient de basculer à droite, le collectif de résistance fait aujourd’hui face à un changement d’interlocuteurs, sans illusions. Autant dire qu’ils n’ont pas l’intention de baisser les bras, et qu’ils vont probablement avoir besoin de soutien pour les 3 mois à venir.

    Pouvez-vous nous raconter quel a été le point de départ de votre lutte ?

    Leslie : Le 17 janvier, je trouve un bout de papier sous ma porte, me demandant de quitter les lieux dans les 15 jours, au motif que mon contrat se terminait soi-disant au 1er février, alors que nos contrats sont tacitement reconductibles et que seule une décision de justice peut y mettre fin. Il se trouve qu’on était une petite vingtaine à avoir reçu ce genre de lettres ; certains sous prétexte qu’ils avaient des dettes locatives, alors que ce n’est pas leur faute. Un couple par exemple a carrément été expulsé un matin, ils se sont retrouvés à la rue. On ne peut pas nous reprocher d’être jeune, dans la merde et pauvre ; dans ces cas là, il y a d’autres solutions que l’expulsion.

    Erika : Avant d’habiter au Cara j’ai fait des recherches de logement, mais on me demandait d’avoir un garant, de gagner 3 fois le montant du loyer… à l’époque je travaillais à temps partiel, et je n’avais pas de garant. Donc j’avais pas trop le choix. C’est aberrant de se retrouver face à des personnes qui te disent que si tu es dans cette situation c’est de ta faute, alors qu’ici on est nombreux à nous battre pour nous en sortir, avec des boulots précaires, il y en a même qui bossent de nuit ou ont plusieurs boulots.

    Quand on voit l’état du foyer, on imagine que ce n’est pas un logement de premier choix…

    E. : Ca c’est sûr ! Déjà les chambres sont toutes petites : 9m² pour un loyer de 350€. Et c’est très mal isolé, du coup l’hiver il fait froid et l’été on a trop chaud. Les sanitaires sont communs, il y a un WC et une douche par palier, et c’est souvent très sale du fait qu’il y a eu des réductions de personnel ces derniers temps, on voit une vraie dégradation. La cuisine collective c’est pareil, et il n’y a même pas de vaisselle ! Du coup on cuisine dans nos chambres, ça t’oblige à te payer un frigo, des plaques… on n’est pas équipés pour ça.

    L. : Un jour avec une copine on s’est retrouvées à déboucher nous-mêmes des chiottes, à la main, parce que le gérant ne réagissait pas, alors qu’on n’a pas le matos pour ça ; c’était franchement dégueulasse ! C’est pour ça que ce mois-ci j’avais décidé de ne pas payer mon loyer, en contestation. Il y a aussi des résidents qui vivent à deux, pour ça le foyer leur fait payer la moitié du loyer en plus alors qu’ils ont la même chambre de 9m². Et puis l’isolation acoustique c’est terrible, on entend tout d’une chambre à l’autre !

    Je vivais à côté d’un couple, je ne pouvais pas leur demander de garder le silence toute la journée alors qu’ils vivaient dans des conditions désastreuses.

    Alors quand vous avez reçu les lettres d’expulsion, ça a dû être l’attaque de trop…

    E. : Oui, surtout qu’il y avait des rumeurs comme quoi le foyer allait fermer, mais on n’a jamais eu d’information officielle. Et c’est pas faute d’avoir interpelé la présidence du foyer et la mairie ! Du coup on a cherché des infos par nous-mêmes, on a mené notre petite enquête.

    C’est là qu’on a découvert dans un compte-rendu du conseil administratif de l’OPHLM que le foyer devait être livré vide à un promoteur immobilier à la fin juillet 2014. On imagine qu’ils ont prévu de construire autre chose à la place. Faut dire qu’on a une vue magnifique depuis là-haut, sur Montmartre et la tour Eiffel ! En gros ça faisait longtemps que la fermeture était prévue et on nous disait rien.

    Et du coup, comment vous-êtes vous organisés ?

    L. : En fait en s’attaquant à nous ils sont tombés sur un os parce qu’on est plusieurs à avoir des réflexes militants, du coup j’ai tout de suite appelé à une réunion au foyer, c’est comme ça qu’on a commencé à s’organiser…

    E. : Perso, quand j’ai su qu’il y avait eu des lettres d’expulsion, j’ai été très surprise. Même si je n’en avais pas reçu, je me suis dit qu’il fallait que j’aille à cette réunion, voir ce qu’il se passait. On ne peut pas mettre des jeunes à la rue… c’est comme ça qu’on a décidé de former un collectif de résistance aux expulsions [2].

    Votre premier réflexe, c’était de chercher le dialogue avec la mairie…

    L. : Oui, et ce n’a pas été facile. Une première fois, ils ont refusé de nous recevoir au motif qu’on manifestait, alors que l’adjoint au logement était au PCF ! Ils nous ont même envoyé des flics, alors qu’on demandait juste à avoir des explications. Et puis on s’est vite rendu compte qu’ils n’en avaient rien à faire de nous. De toute façon la fermeture du foyer avait été actée depuis longtemps, et les relogements c’était pas leur problème. Derrière la fermeture du foyer, il y a des enjeux financiers énormes. Le bâtiment, qui appartient à l’OPHLM, va être revendu 4 millions d’euros !

    Vous avez quand-même réussi à les faire reculer un peu…

    L. : L’urgence, c’était d’arrêter les expulsions qui étaient en cours. Très vite on y est arrivé, on nous a donné jusqu’au 31 mars, ce qui correspondait à la fin de la trêve hivernale. Mais ce n’était pas du tout notre revendication, nous on demandait à ce qu’il n’y ait aucune expulsion avant que tout le monde soit relogé. On ne voulait pas que qui que ce soit se retrouve à la rue. On a beaucoup insisté là-dessus. Après ça ils ont monté une sorte de commission qui était sensée étudier nos dossiers au cas par cas, mais aux dernières nouvelles ils n’avaient trouvé que 3 relogements sur les 120 résidents.

    E. : Ils n’ont pas arrêté de nous dire qu’il n’y avait pas d’expulsion mais que des fins de contrat. Quand on parlait avec eux, on avait l’impression qu’ils nous faisaient une faveur, comme s’ils nous payaient pour vivre ici, alors que c’est eux qui font de l’argent avec les loyers qu’on leur verse tous les mois.

    Alors que des logements il y en a, d’ailleurs, c’était un de vos slogans…

    L. : Le discours de la mairie c’est le fameux “on ne peut pas accueillir toute la misère du monde”. Parce que s’ils nous donnent ce qu’on réclame, il y a d’autres personnes qui vont revendiquer d’autres choses. Et puis ils passent leur temps à nous opposer aux 4000 demandeurs de logement qu’il y a à Saint-Ouen, parce que pour eux on n’est pas des vrais audoniens, on n’a pas la même légitimité que les autres pour demander un logement à la mairie.

    E. : En plus derrière ça il y a un fond raciste, parce qu’on est nombreux à être issus de l’immigration.

    L. : Et aussi, on nous a dit que le foyer doit être un logement de transition. Justement, les foyers de jeunes travailleurs comme le Cara sont sensés avoir aussi des missions sociales, ils touchent des subventions de la mairie pour ça, pour aider les résidents à trouver un autre logement. Mais il y a des gens qui sont ici depuis 8 ans, qui ont déposé une demande de logement à Saint-Ouen depuis des années et qui n’ont jamais eu de réponse.

    E. : Le pire, c’est qu’ils nous ont accusé, les membres du collectif, d’organiser une sorte de mutinerie, de manipuler les autres résidents. Ils ont été jusqu’à dire que le foyer allait fermer plus tôt que prévu à cause de nous, et que le personnel du foyer allait se retrouver sans travail par notre faute ! Alors que la décision a été prise depuis longtemps ! Leur but c’était clairement de nous diviser, c’est vraiment honteux.

    Il faut dire que toute cette bataille au beau milieu des élections municipales, contre une mairie qui se dit de gauche, ça a dû les déranger…

    L. : Oui, le PS comme le Front de Gauche, qui dirigeaient ensemble la mairie à l’époque, sont venus nous dire que leur priorité c’était la campagne et qu’on les emmerdait à y mettre les pieds. Finalement, ils ont perdu les élections, et la ville a basculé à droite. Mais Delannoy [nouveau maire de Saint-Ouen soutenu par l’UMP, NDLR], il nous avait fait des promesses aussi. Maintenant on attend de voir… mais en tout cas on n’a pas l’intention de bouger d’ici tant qu’on n’est pas tous relogés.

    Mener une lutte comme celle-là, ça forge l’expérience ?

    L. : Oui, déjà dans le collectif on apprend à s’écouter parler, à être attentifs à ce que chacun puisse donner son avis, même si pour beaucoup c’est leur première expérience militante et c’est pas toujours facile de s’exprimer en public. Et puis se battre c’est retrouver une dignité aussi. Parce qu’on voudrait nous faire avoir honte d’être pauvres, d’avoir des dettes locatives, alors qu’on n’y est pour rien. On nous reproche d’être violents et malpolis, alors que la vraie violence, ce sont les avis d’expulsions, c’est pas d’organiser des rassemblements. On ne peut pas se laisser balloter comme ça par le système.

    E. : Moi qui n’avais jamais milité, cette lutte m’apprend beaucoup ; déjà à ne pas avoir peur de me battre. Parce quand tu es immigré, on te fait bien comprendre que tu as déjà de la chance d’être là, donc en gros t’as pas le droit de te plaindre. En plus il y a toujours l’angoisse de se voir refuser le renouvellement des papiers. Et puis c’est aussi le discours qu’ils ont en face, le mépris qu’ils ont pour nous. Si tu ne te défends pas, tu finis par te mépriser toi même. Parfois ils étaient tellement méprisants que j’aurais eu envie de leur cracher à la figure. Mais on se retient, parce qu’on a une responsabilité collective aussi, on représente un groupe, on ne peut pas faire ce qu’on veut. En tous cas, maintenant je n’hésiterai plus jamais à me battre !

    07/04/14

    [1] Voir à ce sujet l’article “Saint-Ouen(93) : après les Rroms, la mairie veut expulser les jeunes travailleurs de leur Foyer”, F. Carpentier, 08/02/14.

    [2] Retrouver le Collectif Action des Résidents du FJT Cara sur Facebook.”

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