Artistiquement correct

À Saint-Ouen vient de se créer une « association artistique et citoyenne » : Amarrage.

Enfin une bonne nouvelle.

Ayant reçu une invitation pour la première manifestation de cette association, j en regarde la composition et y découvre les noms d artistes que je connais et dont je respecte le travail : Guy Ferrer, Bruce Clarke, Peggy Herbeau…

J aurais dû m en tenir là. Malheureusement, invétéré fouinard que je suis – ma mère me le disait bien, que la curiosité était un vilain défaut -, j ai lu les résumés des projets exposés dans la plaquette. Et là, patatras !

Nos artistes « photographient des habitants de Saint-Ouen », invitent « les enfants des collèges à revisiter » leur Å“uvre, ou l ensemble des Audoniens à « s asseoir pour prendre la pose », proposent « des échanges avec les citoyens audoniens », représentent « les habitants d un quartier sur leurs propres murs ».

Autrement dit, plongent dans la démagogie audonienne officielle avec l allégresse pataude du saint-bernard s enfonçant dans la neige. Plus question de peindre sans « dialoguer », de sculpter sans « faciliter la rencontre », de photographier sans mettre en place des espaces « d échange et de partage ».

Quel manque de respect pour le public ! N est-ce pas proclamer que l Audonien ne pénétrera dans un lieu d exposition que s il a l espoir d y voir sa tronche sur toile ou sur papier glacé ? Que de toute façon, puisqu il est inculte, on pourra l attirer en lui faisant croire qu il est pour quelque chose dans l Å“uvre produite ? À la façon dont la télévision réalité fait croire à ses participants qu ils pèsent sur des émissions dont ils sont, en réalité, les pantins consentants.

Si l artiste se nourrit de tout ce qui l entoure, il est en fin de compte parfaitement seul, parfaitement autonome, parfaitement égoïste au moment de faire miel de ce « tout ce qui l entoure ». Dans le cas contraire, il n est qu un faiseur officiel, comme la Cour du roi Soleil ou celle du roi Staline en ont produits des dizaines dont vous n avez jamais entendu prononcer le nom.

Ah ! Comme elle est politiquement correcte, cette volonté de « rendre l art proche de tout le monde ». On aurait bien du mal à aller contre sans passer pour un élitiste indécrottable et fascisant. Et d ailleurs, loin de moi l idée d aller contre. Mais je déteste le remugle de manipulation qui flotte autour de cette opération, tout comme m écÅ“ure le relent de récupération dans lequel baignent les « consultations citoyennes » organisées actuellement dans notre ville.

L artiste véritablement « citoyen » ne feint pas avec condescendance d estimer un public dont, au fond, il se moque ; il propose une création exigeante, exempte de concessions, dont le public devra trouver les clefs sans qu on lui macdonalde le travail.

Ce qu ont su faire les artistes que je mentionnais plus haut. Ce qu ils savent peut-être faire encore. Je ne leur en veux pas. Comme le disait le Diable (déguisé en vieille femme) de l Histoire du soldat de Ramuz : « On fait son métier, son p tit métier… ». Mais quand même…

Je rêve d une ville – et pourquoi pas la mienne ? – où les artistes sauront refuser un plat de lentilles, aussi savoureux soit-il, s il faut pour l obtenir céder la moindre parcelle de leur intégrité. Dans cette ville, on n exigera d eux aucun « projet citoyen ». Ils feront leur boulot, leur boulot sera beau, et c est nous qui irons vers eux. Non l inverse.

Tout comme le politiquement correct, l artistiquement correct est un beau moyen de niveler les choses par le bas.

C.D

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7 réflexions sur « Artistiquement correct »

  1. Ayant moi aussi reè§u cette information, j’ai vite senti que cela se situait dans la même ligne que les “Dialogues… de sourds ” de cette ville et ai prudemment gardé mes distances.
    Je constate que je ne suis pas la seule!

    Coriandre

  2. Bien qu’étant artiste peintre , affilié è  la Maison des Artistes de la rue Berryer , engagé associativement sur St-Ouen avec d’autres peintres sculpteurs et plasticiens autrefois,je n’est rien reè§u quand è  la création de cette association artistique et citoyenne .
    Je reè§ois toutefois ,rassurez vous , toutes les invitations relatives aux expos organisées au chateau ou è  l’espace 89 , sans doute parce qu’y ayant moi même exposé avec le groupe Arbouge pendant plus de dix années, je suis sur le listing .
    Je suis d’accord avec Taquet et Coriandre sur le coté démago de la démarche d’un coté et alibi de l’autre qui è  mon sens n’est fait que pour donner è  croire au gens qu’on est proche d’eux , que l’élite ne les oublie pas et qu’en quelque sorte on est tous pareil, logé è  la même enseigne .
    Quand je regarde la liste des signataires , j’y vois quelques noms qui sont déja présents dans les récentes réalisations publiques telle que le Jardin de la Demoiselle ex friche RER avec G Ferrer , Bruce Clark avec une peinture murale rue Blanqui pour le 1 % dans une résidence privée etc etc . On pourra s’interroger (moi c’est mon cas) sur l’indépendance et la spontanéè¯té de la démarche , comme je l’ai fait en lisant sur le blog de J Rouillon en période électorale , les écrits hagiographiques de Serge Malik ( organisateur du sympathique mais coè»teux festival du jazz manouche aux Puces) quand è  la remarquable politique culturelle de la municipalité…!
    Je ne comprends pas qu’une Mairie …de gauche ….n’ait jamais envisagé de faire des concours , plutôt que de placer les copains …sur quels critères …j’espère “pas politiques”!
    La friche RER devenue Jardin Minéral et végétal n’aurait-elle pu constituer un magnifique espace pour un concours d’artistes professionnels audoniens et autres , avec de magnifiques possibles retombées participatives en exposants dans les écoles et les lieux culturels audoniens l’ensemble des projets soumis au vote populaire pour emporter la conviction et ….le concours ? Démago cette dernière proposition???pas sè»r …

  3. Accord parfait avec C.D . Il a raison de taper comme un batteur de hard rock sur cette prétendue association “citoyenne”.
    Jamais les artistes les plus engagés n’ont eu besoins de la démagogie pour faire connaitre, reconnaitre et apprécier leurs créations. J’en appelle aux mè¢nes de Hugo, Zola, Villar, G. Philippe, Breton, Eluard, Picasso, Maè¯akovski, Willy Ronis et tant d’autres…
    Mais je suis encore plus fouineur que C.D, et è  moi aussi ma grand-mère me disait que la curiosité est un vilain défaut. J’ai remarqué avec une joie non feinte parmis ceux qui soutiennent les “artistes” et le projet de cette association des noms ausi prestigieux que ceux de G. Robert ancien secrétaire de la section duPCF de Saint-Ouen, M. Bentolila, ancien premier adjoint au Maire,PCF, chargé de l’urbanisme, reconverti dans l’immobilier d’entreprise.
    Alors, je me pose une question: pourquoi ces militants, dont on ne peut pas dire qu’ils aient particulièrement brillé ces dernières années par leur implication dans le milieu culturel se sont ils découvert brusquement la fibre artistique?
    Ne serait ce pas par ce que, constatant que le PCF s’était coupé des artistes, il leur fallait reconquérir politiquement ce milieu? Sont ils si peu surs d’eux qu’il leur faille avancer cachés? Méprisant de la sorte public et créateurs.
    Et puis, question subsidiaire -mais pas tant que è§a- au vu de la superbe plaquette sur papier glacé épais, imprimé en quadrichromie, d’oè¹ vient l’argent?

  4. D’oè¹ vient l’argent ? on peut effectivement se poser la question.

    En ce qui concerne le rapport avec le pCF pour lequel ils seraient en mission de reconquête du peuple culturel, c’est de la pure science fiction.

    Ne mélangez pas tout. Respectez les militants sincères et désinteressés(e) qui sont l’image majorité dans le PCF comme toutes celles et ceux qui veulent que ce monde change.

  5. Messieurs, vous ne savez pas que l’argent n’a pas d’odeur ! Monsieur Noroit a de quoi se réjouir. Il a les signatures de sommités locales qui dament le pion aux plus illustres intellectuels de notre temps. Je n’en sais trop rien, mais je ne pense pas que les cocos d’aujourd’hui aient recours au clientélisme pour gagner la confiance des milieux intellectuels ..

  6. Messieurs, vous ne savez pas que l’argent n’a pas d’odeur ! Monsieur Noroit a de quoi se réjouir. Il a les signatures de sommités locales qui dament le pion aux plus illustres intellectuels de notre temps. Je n’en sais trop rien, mais je ne pense pas que les cocos d’aujourd’hui aient recours au clientélisme pour gagner la confiance des milieux intellectuels ..

  7. D’abord une info découverte lors de la distribution du colis de la solidarité par le CCAS salle Barbara :

    Exposition graphique ” du plomb au Numérique ” de Pierre Banzet se tindra du 12 au 29 janvier 2009 è  la Maison de quartier du Landy – Centre social- 37, rue du Landy”

    Contact 01.49.45.77.73

    Ensuite, un avis d’expert en l’occurence Pierre Garnier, pdt dela fédé nationale des Centres sociaux et socioculturel de France parue dans La Gazette des collectivités du 15 décembre dernier , titré “la dimension citoyenne ne doit être perdue de vue” :

    ” Un centre social est avant tout un projet de territoire, porté par des habitants. Or sous gestion municipale, le centre social court le risque de perdre de vue cette dimension citoyenne, pour ne devenir qu’un serice de la ville parmi d’autres. Le défi des communes est don de parvenir è  articuler une plitique publique avec une demande sociale exprimée. Souvent l’élu ne considère la structure que sous l’angle des activités qu’elle offre et sur lesquelles ses électeurs lui demanderont des comptes. Faire du centre social plus qu’un prestataire et permettre aux habitants de prendre toute leur plcae dans la construction de projets d’intérêt collctif, c’est du poil è  gratter pour les collectivités, mais le risdque en vait la peine. Cela suppose une réelle volonté politique”.

    Alors entre le poil è  gratter citoyen, la pommade endormissante et la brosse è  reluire, que choisir ? aurait dit Lénine.

    Reste qu’il serait bien utile qu’un point d’étape d’ensemble des maisons de quartier soit réalisé (autre que le bilan annuel fort différent d’une maison de quartier è  une autre) et discuté avec les audoniens.

    Parce que si c’est nécessaire, il faudrait en prévoir une supplémentaire dans le quartier des “Docks”.

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